Mesure des risques et la financiarisation de l’innovation, Stéphane Chauvin

Une brève histoire de la mesure, celle que nous subissons ou nous activons, met en perspective les innovations de l’humanité à mettre en service des outils et des méthodes pour calculer, extraire des données pour mieux mesurer pour mieux décider. La course à la connaissance mesurable n’est due qu’au besoin de limiter des risques et d’augmenter la pertinence des choix qui s’ouvrent à nous. Cette course cherche à limiter la pénibilité des actions de la nature sur l’homme et de prolonger la vie. Le moteur de l’innovation pour prédire et investir les champs inconnus porte des opportunités et des risques. Les interactions entre innovation et mesure du risque se révèlent complexes par le tsunami du numérique. Les nouveaux risques d’erreurs apparaissent : prévision / anticipation, financement, énergie, malveillance, compétences.
BreveHistoireNombres

Depuis les origines des premières mesures, telles l’écriture comptable des Sumériens (4 000 av. J.-C), l’invention des premières pièces métalliques en Occident des Grecs d’Asie Mineure (-600 av. J.-C), le √2 (Inde au 8ieme siècle av. J.-C), le 0 babylonien (en 300 av. J.-C. ils utilisaient deux barres obliques à cet effet), l’écriture de la musique (langage universel ? « De musica mensurabili pasotio, début XIII°), Gutinberg (une estimation du nombre total de livres imprimés donne les chiffres de deux cent millions pour le xvie siècle, cinq cent millions au xviie siècle et un milliard au xviiie siècle) jusqu’aux GAFA, en passant par les mesures historiques comme la constante du nombre d’or (« la divina proportione », Luca Pacioli, peut-être la plus vielle mesure / proportion détectée par l’homme), les premières mesures du risque financier par les Italiens de Venise et de Florence du XVieme siècle, toutes ces innovations ont contribué à faire progresser le jugement rationnel des hommes.

Dans les années 1950, John von Neumann, le théoricien de l’information, a été cité dans ces termes :  » l’accélération constante du progrès technologique […] semble approcher une singularité existentielle dans l’histoire de la race humaine au-delà de laquelle les affaires humaines ne pourront plus continuer telles que nous les connaissons. ». Le livre de Ray Kurzweil, Humanité 2.0, 2007, reprend ce phénomène et extrapole les conséquences et illustrant cette singularité accélérée.

Le phénomène du tsunami du numérique n’est alors qu’une évidence. La financiarisation de toute activité humaine se trouve alors revue. La valorisation de la donnée (mesurer pour mieux comprendre) s’en trouve alors au cœur des préoccupations de nos sociétés en changement. Le bilan comptable s’en trouve lui-même bouleversée  (depuis 1947 « rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme ») : avant, l’informatique était vue comme un coût et valorisée en immobilisation incorporelle (respectivement passif actif) alors que la révolution numérique nous amènerait à considérer l’information (actif) et la provision des risques mieux mesurée (passif).

Et les innovations vont bon train : les 12 recommandations du rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, la prise en compte de la data complexité plutôt que le BigData (résolu par le parallélisme), la data visualisation comme levier pour donner le pouvoir à l’homme d’interpréter (on calcule avec nos ordinateurs, on diagnostique avec nos yeux, on passe de la corrélation à la causalité et créée du sens au détriment de la vitesse – temporiser), …

« « Un diagnostic juste » suppose une pensée capable de réunir et d’organiser les informations et connaissances dont nous disposons, mais qui sont compartimentées et dispersées. », Edgar Morin, Le Monde, 01 Janvier 2013

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *